FANTÔMES Z' ET AUTRES ROMANS...

FANTÔMES Z' ET AUTRES ROMANS...

"La dernière chance" un deuxième extrait.

Je me mis à courir à travers les jardins en croisant les doigts pour ne pas tomber sur un chien teigneux ou un insomniaque bagarreur. Au bout d'un moment, je me retrouvai dans le stationnement d'un ensemble de HLM. J'entrepris d'ouvrir diverses bagnoles, mais sans succès, essayez donc de voler une caisse, sans outils et avec les doigts gelés! J'arrivai à une vieille Deux chevaux. Non… quand même pas! Une Deuche.  Et puis quoi encore!   Mon prestige de voyou va en prendre un coup dans les mirettes! Si ça vient à se savoir, ça va jaser dans les chaumières! Comme de juste, elle était ouverte et en moins de deux, le moteur tournait. Je fis demi-tour sur les chapeaux de roue (si, si, c'est possible!) et pris la direction de Paris. 

     Les Deux chevaux étant ce qu'elles sont, le chauffage était inscrit aux abonnés absents, les lumières avaient une certaine propension à s'éteindre à tout bout de champ et en plus, chanceux comme je suis, le modèle volé n'était pas vraiment une « Six » récente que je n'aurais pas pu chouraver[1] sans outils, vive le modernisme!  mais plutôt une antiquité de plus de vingt ans et à bout de souffle.

     Je fulminais intérieurement en descendant la rampe du Pont de St-Cloud mais à la guerre comme à la guerre!

    Une autre surprise m'attendait en bas et mon sang se glaça dans mes veines. Il y avait un beau barrage en chicane juste à la sortie du pont et malgré qu'il fut minuit passé, il y avait déjà une quinzaine de voitures arrêtées. Un flic avec une torche inspectait scrupuleusement l'intérieur de chacune avant de la laisser passer. Bordel de bordel! Je ne pouvais même pas reculer discrètement et c'est pas avec ma Ferrari que j'allais pouvoir les semer! Quand je vous dis que c'est pas mon jour! Tout pour réussir! J'avais la gueule en sang suite à des rencontres fortuites avec des branches basses, j'avais l'air de sortir de la douche et mon pedigree était inscrit sur mon front!

   Tandis que nous avancions pas à pas, je réfléchissais intensément en fouillant des yeux l'intérieur de la guimbarde. Euréka!  J'avisai une gabardine puante sur le siège arrière. Je l'enfilai rapidement et, m'emparant d'une Gitane maïs abandonnée dans le cendrier, je l'allumai avec une pochette d'allumettes qui traînait dans la poche du vêtement, j'en ornai ma lèvre inférieure en essayant de prendre l'air le plus crétin possible. Je m'avachis profondément dans mon siège lorsque je vis un rouleau de papier toilette dans le vide-poches. J'en découpai nerveusement de petits morceaux que je collai sur les égratignures de mon visage en espérant passer pour un soûlot ayant tenté de se raser avec une tondeuse à gazon. Le temps pressait, car il ne restait plus que deux autres véhicules avant l'instant de vérité. Pourvu que le flic ne s'attarde pas sur mes doigts crispés. Ça y est, c'est mon tour! Je fis basculer la vitre vers le haut et j'effleurai l'accélérateur, la voiture fit un bond vers l'avant et cala. J'étais sûr d'être refait. L'agent de la force publique se pencha vers moi et éclaira l'intérieur du tacot.

     - Bonsoir! Vous allez où? Vous venez d'où?

     Je n'eux pas le temps de répondre que la vitre qui devrait normalement tenir en l'air, retomba brusquement en heurtant la torche du policier. Non… c'est pas vrai! Je la rouvris en tremblant et m'efforçant de prendre une voix endormie.

     - B'soir, M. L'agent.  Ben… j'vais retrouver ma femme.

  Le flic ne s'attarda pas trop, probablement parce qu'il ne croyait pas qu'on puisse se barrer en Deux chevaux et puis de toute évidence, l'odeur l'incommodait et moi aussi d'ailleurs! Il me fit signe de circuler en me conseillant d'aller me coucher. Je parvins péniblement à redémarrer. Manquerait plus que la vieille casserole me fasse le coup de la panne au milieu d'un parterre de forces de l'ordre!

     Mes craintes s'évanouirent vite quand je vis le barrage s'éloigner dans mon rétro. J'abandonnai la bagnole (et la gabardine!) dans une rue déserte et partis à pied vers la porte de St-Cloud. J'avais quand même eu la veine collée aux fesses. Piquer une vieille poubelle grinçante avait vraiment été une idée brillante, même si elle n'était dictée que par le hasard !

 Deux heures plus tard, j'étais lavé, changé, et je sirotais un pastis en compagnie d'un vieil ami dans un endroit sûr. Lequel ami rigolait comme une baleine au récit de mes aventures nocturnes.

     Tout ça pour dire qu'en fait, je ne suis responsable que de deux meurtres, un petit peu peut-être d'un troisième, si j'oublie ceux de Cassis. Mais n'anticipons pas...



[1] voler, choucrouter, tirer, barboter…



24/02/2010
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