FANTÔMES Z' ET AUTRES ROMANS...

FANTÔMES Z' ET AUTRES ROMANS...

Un premier extrait de "La dernière chance..."

Six mai 1983. Printemps un tantinet tardif. Il est dix heures du matin et le soleil déjà chaud fait miroiter les pierres blanches disposées le long des massifs fleuris. Le feuillage des grands arbres autour de la maison est d'un beau vert tendre. Pour un peu, je l'entendrais bruisser doucement dans le presque silence. Les oiseaux s'égosillent et je les écoute s'engueuler au travers de la fenêtre fermée. Une vraie belle journée d'un vrai beau printemps. Une trop belle journée pour crever.

     Vaut mieux que je m'y fasse; je sortirai d'ici uniquement les pieds devant, j'en ai peur ! Il faut dire que j'ai un peu oublié de mentionner certains détails qui, disons-le, gâchent (un peu) ce paysage idyllique. Comme par exemple les deux douzaines de bagnoles de flics qui font face (de loin, pas fous !) à la superbe baraque dans laquelle je me trouve et qui n'est pas à moi.   Ah oui ! Il y a aussi les petits gars sympas mais bougrement bien équipés du GIGN[1], là bas, sous les pommiers, et dont les regards pointent directement sur la baie vitrée dans le coin de laquelle je suis dissimulé. Parce que l'élite est là ! Rien que pour moi ! Suis-je chanceux, n'est-ce pas ?

     Évidemment, ils sont tous bien planqués.  Des fois que le petit zouinzouin (moi) leur expédie à chacun (ils sont deux cent !) une baballe dans le ventricule gauche ! Il faut dire que je ne suis pas tout à fait désarmé. Il est vrai aussi qu'un pistolet mitrailleur bien utilisé par un gars qui sait s'en servir (n'applaudissez pas, c'est encore moi !), le dit PM étant accompagné des munitions appropriées pour soutenir un siège  car c'est déjà le troisième jour, et rejoint par,  dans l'ordre :  deux Magnum 357, une demi-douzaine de grenades, dont deux au phosphore, une quinzaine de boîtes de balles volées à l'armurerie de Satory et, clou du spectacle, un beau petit fusil tronçonné dans lequel je compte bien foutre mes fameuses cartouches bricolées et n'utiliser qu'en combat rapproché ! C'est sûr qu'ils pourraient avoir peur ! Parce que tout ça, c'est quand même pas là pour faire joli. Faut que ça serve, sinon ça va rouiller !

      Mais n'allez pas croire tout ce que je dis. Quoique. Pour les armes, oui. Pour le fait que je sorte les pieds devant, oui aussi. Mais qu'ils aient peur de prendre du plomb dans le derrière, ça, non ! Enfin, peut être un peu. Mais ils ont peur pour une chose, une seule. C'est que je leur casse leur beau petit chevalier d'industrie, celui qui est derrière moi. Un étage en dessous en fait, puis ça, c'est vrai ! Pas juste que je l'abîme, pire ! Que je le zigouille ! Là, pour le coup, ils seraient tous dans la merde ! La belle grosse, celle qui colle et qui pue longtemps ! Y aurait de la dégradation dans l'air !

     Parce qu'un gars riche, genre Marcel Dassault en plus jeune, Légion d'honneur, petit doigt en l'air et des « mon cher Président » plein la bouche (non pas celui-là, l'autre, le vrai, de la République… quoi !) ça coûte cher ! Très. Pis s'il est abîmé, ça prend des coupables ! Et pas n'importe lesquels. Des gros, des grands, des au moins à la taille de ce « saint homme que le destin nous a enlevé ». SNIFF ! Bouh ouh… Passez-moi un mouchoir ! Qu'on ne m'entende pas dire ce que je pense de ce « saint salopard magouilleur » que tout le monde serait bien content d'enterrer!

   Bref, ils n'attaqueront pas. En tout cas pas tout de suite. Ils n'en ont pas assez marre. En plus, non content d'avoir le coq à ruban, j'ai aussi ramassé la poule et les poussins. Comme la baraque est équipée en bouffe et boissons pour un régiment pendant six mois, ils ont de la bile à se faire, la maison poulaga[2]!   Il faut dire que ma réputation n'est pas trop bonne. Je suis censé  avoir trucidé au bas mot une dizaine de gus. Pas aussi importants que l'actuel, mais des mecs vivants (avant) quand même ! C'est vrai, j'avoue, je ne suis pas exactement un saint et j'en ai vraiment envoyé deux ad patres. Manque de pot, c'était des condés[3] en civil ! Ça, c'est tout moi ! Pris en souricière dans un recoin sans issue, lâché par deux valeureux coéquipiers qui auraient eu peur de leur ombre. J'aurais mieux fait de rester dans les bras de Morphée, ce jour-là ! Il faut dire que je m'attendais plus ou moins à me faire doubler sur ce casse là. Quand j'ai vu les deux gonzes devant moi, j'ai défouraillé[4] un peu vite et je les ai étendus raides. Ils auraient pu se nommer, gueuler « Police », remuer une oreille, quelque chose ! J'ai percuté que c'était des flics quand j'ai foncé au travers de la porte avec la camionnette. Ouh la ! la fiesta, mes aïeux ! En technicolor avec le son et tout et tout.  La PJ[5] au complet ! Comment je suis passé ?  Aujourd'hui, des années après, je ne le sais toujours pas. Ils m'ont filé le train à fond les manettes pendant cinquante bornes et ne me demandez pas comment, mais j'ai réussi à les semer dans Créteil. J'ai largué la bagnole dans un sous-sol pourri. Une vraie passoire ! Pour un peu, ma mère m'aurait reconnu à la couleur de mes godasses. 

     Enfin, j'm'en suis sorti, mais il a fait très très chaud ce soir-là.


[1] groupement d'intervention de la gendarmerie nationale

[2] police

[3] policier

[4] dégainé

[5] police judiciaire



08/01/2010
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